Toni Erdmann, de Maren Ade

Petite pépite de 2016, Toni Erdman nous arrive en dvd et blu-ray chez Blaqout.

Ines est une jeune femme qui travaille comme consultante pour une industrie pétrolière internationale. Basée à Bucarest en Roumanie, elle doit négocier pour faire passer un plan social. Winfried, son père, vient de perdre son chien. Il en profite pour lui rendre une visite impromptue. Mais cela tourne au fiasco. Alors qu’Ines croit son père reparti en Allemagne, elle a la surprise de le retrouver grimé en “Toni Erdman”, avec de fausses dents ridicules et perruque hirsute. Il se dit coach de vie et ses clients font partie du gratin international.

Comédie douce-amère, drame intimiste, délire surréaliste, le film ne se laisse pas facilement qualifier. Et c’est tant mieux car en sortant des cases, il n’en devient que plus intéressant.  Le rythme du film est tout aussi étrange. Le récit se perd souvent en digressions et c’est sans doute pourquoi il dure un peu plus de 2h30. Toni Erdmann va dans les toilettes d’un autochtone roumain vivant chichement à côté d’un chantier, Toni Erdmann entame une chanson de Whitney Houston en duo avec sa fille chez l’habitant, etc.

Chaque scène est l’objet de confrontations. Ines est indépendante et ambitieuse. Elle peut se targuer d’une certaine réussite professionnelle. Pourtant, on la sent profondément seule, malheureuse et glaciale. Son père a une vision beaucoup plus épicurienne de la vie. C’est un spécialiste en farces! Ainsi, il va “pourrir” la vie de sa fille en se travestissant et en faisant le pitre auprès des collègues et des clients. A travers ces scènes, c’est un conflit de générations qui est illustré : vie épicurienne soixanthuitarde contre mondialisation galopante, pavillon modeste versus shopping de luxe.

Que l’on ne s’y méprenne pas, le cœur du film est un mélodrame basé sur la confrontation entre deux personnages opposés, mais liés par les liens du sang. C’est un père qui veut renouer une relation avec sa fille. Lorsque Toni Erdmann apparaît, il y a l’effet comique de la surprise. Puis, c’est une profonde mélancolie qui s’installe, illustrant le gouffre entre le père et sa fille.  Ce qui fait que l’on est constamment tiraillé entre le rire et la tristesse. Le père ne met pas les pieds dans le plat juste pour l’humilier ou ruiner sa carrière. Il joue toujours le rôle de manière plus ou moins crédible. Il fait rire les proches d’Ines puis reste toujours en retrait, s’éclipsant quand la blague va trop loin. Ou alors il devient sérieux et presque crédible, plongeant les personnages secondaires et le spectateur dans une sorte d’expectative.

Le film évoque les masques que l’on se fabrique pour apparaître aux autres. Ines s’est enfermée dans son rôle de consultante, qui devient peu à peu trop prégnant, voire mortifère. Grâce à ce Toni Erdmann, elle est forcée à se réinventer, à se remettre en question. Ce qui finira par aboutir à la fameuse “nackt party” où pour son anniversaire, Ines contraint les invités à se déshabiller complètement ou à partir. Les masques tombent durant cette fête, sauf une sorte d’esprit frappeur, symbolisé par un masque bulgare aussi encombrant qu’impressionnant.

Le film fonctionne grâce à l’interprétation des deux acteurs, toute en finesse. Malgré le stéréotype qu’elle incarne, Ines se révèle peu à peu, plus complexe qu’elle n’a l’air. Sa carapace se fissure tout doucement. Le père n’est pas qu’un simple clown non plus. Au final, ce sont les émotions et le côté intimiste du film qui prennent le dessus sur la comédie.

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