Retour vers le Feffs 2017 : GitS & Sorcerer

Une rétrospective humans 2.0 au FEFFS ! Quelle chance ! Beaucoup de pépites étaient à découvrir ou à revoir : Metropolis, Robocop, Bienvenue à Gattacca, Existenz. Mon choix s’est porté sur Ghost in the shell peu de temps après avoir vu Blade Runner 2049 en avant-première.

Dans un futur proche (2029) plutôt cyberpunk, deux cyborgs,  Motoko Kusanagi aka Major et Batou, sont à la recherche d’un hacker qui semble insaisissable. Il se fait appeler Puppet master. Le synopsis semble simple mais quel plaisir fut de revoir ce film sur grand écran.

Au niveau visuel, cet anime est tout simplement sublime. Les détails vous explosent à la rétine. Chaque description d’univers est tout à fait digne d’œuvres appartenant à l’histoire. Que l’on se trouve dans des quartiers d’affaires dans la scène d’introduction (verticalité et plans sur une ville de type NéoTokyo), ou bien dans les bas-fonds en compagnie des éboueurs 2.0, il est impossible de ne pas remarquer le travail magnifique de Mamoru Oshii et toute son équipe qui ont adapté le manga de Masamune Shirow. Les détails qui donnent vie à toute cette histoire éblouissent le spectateur qui ne peut que respecter un anime datant de 1995. Difficile de dire que celui-ci a vieilli sur ce plan. Les effets numériques (en avance sur leur temps), quant à eux, sont datés (plans de la ville lors de la poursuite du Puppet master ou de ses sbires – on ne sait pas, création des cyborgs). Cet anime est un des premiers à utiliser les effets numériques qui vont faire le bonheur de tous les films d’animations hollywoodiens actuels.

Cet éblouissement visuel n’est pas sans lien avec l’histoire. Le spectateur est vite perdu dans cette histoire de traque. Les enjeux nous dépassent mais il est agréable de se laisser porter par les personnages et la beauté des décors ou des détails proposés par l’anime. Le problème philosophique principal reste tout de même accessible : un robot peut-il avoir des sentiments comme un être humain. Major, héroïne principale, représente ce cyborg presque parfait qui fait face à un questionnement existentiel. Quelle identité pour ces robots qui sont à l’origine d’une nouvelle forme d’identité pour l’homme ?

Véritable hommage à un film référence (Blade Runner), les parallèles sont évidents et mettent en avant les défauts du nouvel opus signé par Denis Villeneuve. Le remake live américain de Ghost in the shell sorti en 2017 m’avait profondément gonflé et m’avait donné une très forte envie de revoir l’anime original. Blade Runner 2049 m’a fait le même effet. Pauvreté du scénario (je suis le seul à halluciner ?), pauvreté des dialogues, des personnages, repompage en bonne et due forme des éléments principaux qui avaient fait l’intérêt de l’œuvre de Ridley Scott (représentation d’une ville gigantesque en tant que personnage à part entière, réflexion philosophique sur l’humanité et sur la posthumanité avec les cyborgs ou replicants, références aux polars des années 1940 mais aussi à Métropolis…).

Ghost in the shell reste une référence en matière d’anime SF. Indépassable, inimitable, courez vite le revoir en DVD ou en salles. C’est la meilleure relecture de Blade Runner !

 

Sorcerer

William Friedkin au FEFFS…Pas possible, je crois rêver, mais non, j’ai réussi à le voir de très près ! Ce monument du cinéma (presque 20 longs-métrages, 82 printemps s’il vous plaît) est en forme et va le démontrer durant toute la master class. Quel verve !

Il relate son début de carrière où il a réalisé de nombreux documentaires pour la TV et évoque son dernier travail, un documentaire…sur un exorcisme. Il l’a filmé avec un assistant à l’aide d’une Go Pro, d’un téléphone et d’une petite caméra HD. Cela lui permet d’évoquer un thème essentiel dans sa filmographie : le bien et le mal.

Son expérience dans le documentaire l’a marqué et va utiliser ses techniques lors de ses premiers longs-métrages comme French connection (1971) où de nombreuses scènes ont été tournées en extérieur (les conditions de tournage ont été très dangereuses, notamment lors des poursuites en voiture) avec une caméra qui n’arrêtait jamais de tourner.

Il revient ensuite sur une de ces déceptions : Cruising (1980). Le film a été très controversé à l’époque et il a été très mal reçu par le public et par la critique. L’histoire relate une série de meurtres mystérieux dans le milieu gay à New York à la fin des années 1970. A l’époque, les policiers essayaient d’infiltrer le milieu comme dans le film. Firedkin affirme que l’un des acteurs de L’exorciste a été accusé pour 8 homicides dans le milieu homosexuel. En rendant visite à cet homme en prison, il a avoué au réalisateur se rappeler avoir tué le premier homme mais pas les autres. William Friedkin était également ami avec le patron du bar le Meinshaft, qui était un parrain à New York. Ce troquet (là où il a tourné plusieurs scènes de Cruising) était l’objet de toutes les attentions à New York à la fin des années 1970 car supposé en lien avec cette vague de meurtres. Tous ces facteurs vont permettre le tournage houleux de La chasse sur lequel j’étais revenu lors de la dernière édition du FEFFS.

William Friedkin développe ensuite sa master class sur le film Sorcerer (1977). Il est à l’époque un des rois du Nouvel Hollywood et va subir de plein fouet le succès de Star Wars sorti en même que son chef-d’œuvre. Il n’a pas évoqué vraiment d’explication sur l’échec de Sorcerer; il trouve que le film est en avance sur son temps. Il croit en dieu et surtout dans le dieu du cinéma. Il n’a pas d’amertume vis-à-vis de cet échec. L’entretien se termine sur l’excellent travail de Samuel Blumenfeld. Le public lui pose des questions sur La nurse et Jade mais aussi sur le son dans L’exorciste, réalisé par Gonzalo Gavira, qui avait été repéré par Friedkin pour son travail sur El Topo.

Ce géant du cinéma a ravi le public par sa bonhommie, son humour et ses réponses clinquantes. Il n’empêche qu’il a pris un peu de recul sur l’échec de Sorcerer qui, s’il avait été un succès, lui aurait certainement ouvert un autre genre de carrière après ce film. C’est d’ailleurs avec ce chef-d’œuvre qui met un terme à cette master class. Quelle chance de le voir sur un grand écran dans sa version restaurée (néanmoins le Blu-Ray édité par La Rabbia est pas mal) !

Trois idées ressortent de ce visionnage : l’hubris, la dualité entre le bien et le mal, et aussi le destin.

Hubris ou démesure est le premier mot qui vient à l’esprit de tout spectateur de ce film. Friedkin sort de deux succès (French connection oscarisé et L’exorciste adoubé par le public) et met un peu de temps à se remettre au travail. Il a les studios à ses pieds et peut faire ce qu’il veut. Il va proposer une relecture (plus qu’un remake) du Salaire de la peur de Henri-Georges Clouzot sans tourner en studio, mais entièrement en extérieur, pour donner un aspect réaliste à son film. Les acteurs étaient évidemment protégés comme lors des deux scènes du passage du pont de lianes. Cependant, il y a eu des difficultés (maladies, chaleur, difficultés de production) généralement inhérentes à son cinéma. L’équipe s’est retrouvée dans des endroits isolés (village, forêt, forage pétrolier), parfois situés à l’autre bout du monde (en République dominicaine dans ce cas), tout cela pour donner plus de chair à ses personnages.

La première partie du film présente les quatre personnages principaux qui se retrouvent dans ce village, sorte de prison à ciel ouvert à travers quatre prologues de quatre films de genre. Le fameux Convoi de la peur (titre français du film) n’a en fait lieu qu’au bout d’une heure. Ces personnages ne sont pas des losers qu’a déjà montré le Nouvel Hollywood. Ce sont des truands de toute sorte (BCBG qui pratique l’arnaque à la bourse en France, petite frappe du New Jersey, terroriste palestinien, tueur à gages au Mexique) qui vont tout faire pour sortir de ce pays lointain où ils se trouvent en exil. Le convoi de nitroglycérine pour mettre fin à l’incendie du forage pétrolier est une aubaine pour les loustics. Friedkin parvient à travers l’histoire et le décor du film à nous faire changer notre point de vue sur ces personnages qui ne sont pas de simples truands. La vérité est toujours plus compliquée : certes ce sont des criminels mais pas seulement. Le personnage de Bruno Cremer est une fripouille qui a provoqué le suicide de son beau-frère mais il aime passionnément sa femme représentée à travers la montre qu’elle lui a offert au début du film. Impossible de ne pas être triste et bouleversé à la mort de son personnage (moment où lui et Amidou, le terroriste palestinien commencent à faire connaissance).

Le destin est également un thème important. Les personnages sont liés les uns aux autres. Ce destin les rassemble dans un pays lointain par des circonstances  bien compliquées autour de ce voyage en camion afin de sortir de cet exil. Ce destin les tue (on ne peut pas échapper au destin, à la violence politique de l’époque, à la folie de ce voyage mais aussi à la mafia comme nous le prouve la fin du film). L’évolution du scénario tient à peu de choses. Il tient à l’esprit sorcier du destin comme le disait Friedkin.  Cet esprit a aussi influencé le film lui-même, qui a eu une histoire compliquée – sorti au mauvais moment, année où le Nouvel Hollywood commence à perdre de sa superbe, et restant invisible pour la plupart des cinéphiles jusqu’en 2015.

Road trip camionesque infernal, voyage intérieur d’hommes qui se perdent et qui ont côtoyé le mal, ce film est le plus radical de Friedkin et reste un chef-d’œuvre à (re)découvrir.

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