Le Soleil blanc du Désert

Le Soleil blanc du désert, réalisé par Vladimir Motyl et sorti en 1970, a une particularité. C’est le film que tout cosmonaute qui part de Baïkonour voit la veille de son départ. Pourquoi proposer ce film aux cosmonautes ? Quelques éléments me viennent à l’esprit.

C’est un western soviétique. Un des dirigeants politique de l’époque, féru de westerns, propose aux divers comités de faire concurrence aux Américains en proposant des westerns soviétiques. Les Tchèques ont bien réalisé Joe Limonade en 1964 (excellent d’ailleurs). L’URSS, superpuissance du bloc de l’Est,  doit aussi en être capable. Un projet se monte en se basant sur un livre et sur des histoires racontées par des soldats de l’armée rouge. Notamment une histoire de harem abandonné dans les déserts d’Asie centrale (le film a été tourné au Turkménistan). Le projet passe de réalisateur en réalisateur à la MosFilm et c’est Vladimir Motyl qui en hérite.

Le début du film est très beau : un générique digne des  affiches constructivistes (le héros marche sur des lignes que forment les plans), un désert. Un membre de l’armée rouge de blanc vêtu rencontre Saïd, un homme dont seule la tête sort du sable. Gros plan saisissant dans cette chaleur étouffante de ce lointain soleil d’orient. Pendant la guerre civile russe, Soukhov, ce soldat et héros du film, rencontre un harem qu’il va devoir escorter jusqu’à un village situé sur les bords de la Caspienne. Ce harem appartient au bandit Abdullah qui va vouloir récupérer son bien. Des personnages vont se retrouver par hasard dans ce village perdu (le héros, Soukhov; Verechtchaguine, un ancien membre de l’armée russe; Saïd, l’homme ensablé du début et un jeune soldat qui accompagne Soukhov). Ceci n’est pas sans rappeler la caractéristique du classique Rio Bravo de Hawks en 1956.

Un héros mystérieux (et drôle), le désert, des femmes, un village quasi désert, un bandit de grand chemin, des gens qui se retrouvent par hasard. Il manque un ingrédient : Le duel ! Il arrive à la fin du film dans une séquence de sauvetage du harem, et se situe près d’une cuve géante de stockage de pétrole. Soukhov met fin à Abdullah après l’avoir canardé lui et sa bande de malfrats avec la mitraillette que lui a donné Verechtchaguine, l’ancien officier de l’armée impériale. Abdullah termine dans du bitume et Soukhov s’éloigne seul au loin pour retrouver son amour. Le western est présent mais le format 1.37 (loin du 2.35, format du western) indique que ce film ne fait que jouer avec les codes du western.

Le Soleil blanc du Désert est avant tout une œuvre divertissante. Certes, les paysages d’Asie centrale peuvent évoquer les paysages de l’ouest américain par leur diversité et leur immensité mais l’auteur et les scénaristes tordent le cou au genre américain par excellence en proposant des choses très variées. Des éléments renvoient au western classique et sérieux mais le film regorge d’humour. Le héros est plutôt attachant et se retrouve dans des situations plus ou moins surréalistes (l’homme ensablé dès le départ, la rencontre du harem, les femmes du harem refusent de lui montrer leurs visages mais préfèrent montrer…leurs ventres). Certaines scènes sont même dignes de cartoons : des cavaliers vite partis – en un plan, des couvre-chefs de vieillards du village qui disparaissent en un clin d’œil, un Verechtchaguine très aviné et costaud – il attrape le jeune soldat de l’armée rouge par les épaules à travers sa fenêtre sans que le spectateurs ne s’y attendent. Beaucoup d’humour donc (Joe Limonade n’est pas loin) mais aussi beaucoup de mélo.

En effet, cette œuvre est marquée par la nostalgie.

Celle, touchante, de Soukhov qui écrit sans arrêt à sa bien-aimée. Le début du film est vraiment beau car il mêle habilement le mélo (ralenti de la femme à laquelle pense le héros, plans d’un quotidien rural verdoyant) qui contraste avec ce désert d’Asie centrale brûlant. Ce dernier renvoie au western, à la réalité, et aux aventures compliquées que va connaître Soukhov. Le film termine sur un plan où le héros disparait sur un soleil couchant dans un plan d’ensemble magnifique (le héros est avalé par le désert) avec  la lecture en voix-off d’une lettre écrite à sa bien-aimée – le mélo et le western mêlés à nouveau.

La happy-end suggéré  (Soukhov va retrouver sa femme et son foyer chéris) est-il un message suggéré aux cosmonautes ? Peut-être et j’ai envie d’y croire comme à cette belle et improbable histoire.

Anatoliy Kuznetsov, Spartak Mishulin
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