Feffs 2019 : surprises et déceptions


Le FEFFS réserve de bonnes surprises chaque année. Ne croyez surtout pas que je hurle en faisait partie.

Travail réalisé par Frank Beauvais, le spectateur passe une heure et quart devant une production personnelle poétique vraiment originale : ce film est en quelque sorte la synthèse de six mois compliqués dans la vie de l’auteur. Resté seul en Alsace après la séparation avec son ami, l’auteur passe la plupart de son temps  à regarder des films (3 à 5 par jour) entre avril et octobre 2016.

Le premier long-métrage de Frank Beauvais est une sorte de journal intime, une bulle qu’il a créée pour se retirer du monde. Le réalisateur parvient à nous faire ressentir ces mois de dépression cinéphilique en nous présentant un mash up gigantesque des centaines de films qu’il a visionnés. Tous les genres sont présents – on me glisse à l’oreille que deux ou trois Fulci s’y sont glissés.

Le film se compose de nombreux extraits mais surtout de la voix off du réalisateur qui nous livre son état d’âme et parvient à parler d’événements tragiques ou anodins (la mort de son père, des anciennes relations amoureuses, l’actualité). Le résultat est vraiment touchant pour le spectateur qui suit les pensées d’un homme meurtri par la vie. Difficile de ne pas éprouver d’empathie avec cette mise en scène si particulière.

Le cinéma et la cinéphile peuvent sauver les gens et Frank Beauvais nous le prouve ici : lui-même reprend contact avec le monde pendant sa période de dépression grâce au cinéma. Une belle leçon de vie !

J’ai perdu mon corps fut la belle deuxième surprise cette année ! Ce très beau film d’animation est réalisé par Jérémy Clapin et a reçu le grand prix de la Semaine de critique à Cannes. Le spectateur voit une main coupée déambuler dans Paris pour retrouver le corps dont elle a été séparée.

La première chose qui frappe le spectateur est la qualité visuelle de l’œuvre: un mélange subtil de dessins 2D, 3D en couleur et en noir et blanc. L’aspect crayonné du dessin donne une dimension dynamique aux personnages qui vont devoir faire face à leur destin et vont toujours aller de l’avant.

Ce film appartient au genre fantastique évidemment mais il propose également une chronique sentimentale bien ficelée. Le personnage principal est la main qui va se rappeler son ancienne vie durant un parcours semé d’embûches pour retrouver son propriétaire . Ainsi, le récit va se porter sur Naoufel (celui qui a perdu sa main lors d’un accident dans une menuiserie en plein Paris). Ce jeune homme un peu paumé ne sait pas très bien ce qu’il va faire plus tard. Il rencontre Gabrielle par hasard alors qu’il lui livre une pizza. Une rencontre qui va se faire par interphone puis Naoufel va suivre cette jeune femme et se faire embaucher dans la menuiserie tenue par sa famille.

Le dispositif proposé ainsi que le montage parallèle des deux histoires permet à la main d’exister réellement : c’est la force du film qui nous plonge à la fois dans le périple parisien très dangereux de cette sorte d’araignée (mouvements de caméra, profondeur de champ) et dans une très belle histoire d’amour de jeunes tourtereaux.

Il y a beaucoup de poésie dans cette chronique urbaine contemporaine. Cela est très certainement dû également au travail très intéressant sur le son. La bande son originale est très bien utilisée et les voix d’acteurs sont très convaincantes pour interpréter les personnages (fluidité, dynamisme, ton juste des voix).

Un joyau de l’animation française à voir et à revoir depuis le 6 novembre dans de nombreuses salles.

Déceptions

Malheureusement chaque année, il y a aussi des films qui déçoivent, même si le mot est un peu fort. Les films proposaient de belles promesses sur le papier et lors des présentations mais, à l’écran, ce n’était pas tout à fait ça.

The beach house de Jeffrey A. Brown. Randall et Emily, un jeune couple, vient passer un weekend dans la maison des parents de Randall mais ces derniers l’ont déjà prêté à un couple plus âgé.

Le début du film est plutôt réussi. La caméra se pose dans l’océan et propose très rapidement une réflexion écologique qui sera renouvelée tout au long du film. Une tension apparaît avec la présence de l’autre couple. Cette sorte de huis-clos est bien traité et le spectateur ne sait pas à quoi s’attendre. Les personnages sont plutôt bien présentés (les deux couples, les liens entre les quatre protagonistes). Le problème vient du lien entre ce huis clos géant et les propos écologistes. Les personnages font face aux changements qui se produisent dans l’air extérieur. L’adaptation des organismes dans les milieux hostiles était évoqué par Emily lorsqu’elle parlait de ses études plus tôt dans le film lors d’un repas. C’est en quelques sorte le fond du film : comment vont réagir les hommes face à leurs diverses pollutions qui détruisent l’environnement qui se transforme ?

Au fur et à mesure, le film devient de plus en plus lent et très peu intéressant. L’essentiel avait déjà été dit au départ. La fin redevient un peu intéressante par sa poésie. Dommage.

Blood machines de Seth Ickerman. Il s’agit là d’un travail d’un fameux duo français qui existe depuis plus de 10 ans (courts et moyens-métrages de SF). Musique de Carpenter Brut, couleurs fluos des années 1980, filles nues, SF, le film a été bien vendu par le présentateur (je me suis forcé à ne pas regarder de teaser ou de  bande-annonce).

Véritable trip SF qu’on croirait tiré d’une BD de Druillet, le grand intérêt de ce moyen-métrage (50 minutes) est l’aspect visuel. Beaucoup de choses ont été faites grâce au numérique et de nombreux paysages spatiaux sont vraiment magnifiques (la première partie où les héros ont posé leur vaisseau) et évoquent Druillet ou des réussites cinématographiques dans le genre (Alien, Matrix…).

Le problème est que l’ensemble n’a pas réussi à me faire réaliser le trip promis. La musique trop appuyée  de Carpenter Brut prend la place des images et fait trop rarement le lien avec les images. Le travail du duo passait très bien sur le clip Turbo killer de Carpenter Brut, pilier de la synthwave. L’osmose ne se réalise pas ici. De plus, le scénario n’est pas assez creusé pour faire réaliser un véritable voyage au spectateur. Il est peut-être trop haché par le découpage en chapitres pour un film très court. C’est vraiment dommage car de beaux ingrédients étaient présents !


A propos de Mister K.

Adorateur de Jean - Pierre Dionnet et des ses émissions cultes Cinéma de quartier et Quartier interdit, Mister K. aime le cinéma bis. Râleur et amateur de sensations fortes au cinéma (Anthropophagous entre autres), il viendrait d’une contrée lointaine (chère à Marine Le Pen) appelée Haute - Marne.

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