Azmandeh, de Poncelet / D’Annunzio

Alain Poncelet est illustrateur indépendant et auteur de BD. Anna D’Annunzio est comédienne, muse et poétesse. Les deux ont en commun un goût pour Eros et Thanatos. Le livre Azmandeh est le produit de leur symbiose, le mariage de deux univers complémentaires.

Tel un couple de Frankensteins, ils ont fabriqué une créature, cocktail composé d’une silhouette humaine, de sabots d’onagre et d’un épiderme de hyène. Cette faunesse aux ongles acérés vit dans un cimetière où elle se repaît de restes de morts.

Ce personnage est le centre d’une mythologie particulière :

« La reine Shâhbânou est la source moribonde du monde Anthropien, de son éternel recommencement. Elle conserve son immortalité grâce à d’exigeantes et périodiques ablutions. La goule Azmandeh est une âpre bâtarde, mutine, néfaste, égotiste et rancuneuse. Déjà forte de nuits, de morts, d’hyènes et d’onagres, il lui suffira d’arracher le Temps, de crever le cycle;  et un seul bain volé à Shâhbânou lui prodiguera l’avenir continu. De quoi faire Terre rase, remporter belle puissance et solitude. »

Azmandeh n’est pas tout à fait une BD, dans le sens où il n’y a pas de petites cases mais plutôt des grandes et des illustrations en pleine page. Il n’y a pas non plus de “bulles” mais des poèmes accompagnant chaque image. L’ouvrage se situe ainsi entre le “comic” et le livre d’art. Le traitement graphique fait la part belle à un trait crayonné très texturé. On décèle une lointaine filiation avec les superhéros américains comme Batman ou Spiderman, dans le cadrage et dans les poses que prend notre superhéroïne funéraire.

Derrière le gore cru, les déviances monstrueuses et une atmosphère lourde baignée dans le noir et le rouge, la question qui taraude Anna est celle des cycles. Celui du sang menstruel dont Azmandeh s’abreuve, celui de la vie et de la mort. Sa maîtresse est aussi une immortelle et notre goule fomente un complot pour briser sa vie éternelle.

Le projet a fait l’objet d’un crowdfunding, qui a permis de financer un bel objet de collection, à l’intérieur doux et lisse, à la couverture légèrement en relief au toucher. Au premier abord, ça se lit avec les tripes. On accroche ou pas, c’est viscéral. Les textes sont alambiqués, entre néologismes et termes antiques peu usités; heureusement un lexique est présent. Cette poésie macabre rappelle un peu l’atmosphère nocturne et grotesque du cinéma de Jean Rollin, avec une bonne dose de sauvagerie animale en plus. Si l’on lit entre les lignes, si l’on se laisse porter par les mots, on pourra deviner en filigranes les obsessions de l’autrice.

Pour commander, c’est ici :

https://www.helloasso.com/associations/noir-puma/paiements/azmandeh-chapitre-premier

Entretien avec Alain Poncelet

D’où est venue l’idée du projet ?

L’idée est née au bar Le Cercueil à Bruxelles. On discutait devant une Kwak, notamment des illustrations que j’avais réalisées d’après des textes d’Anna pour la magazine “Noir Puma”. Et on s’est dit que ce serait cool de créer un “objet” commun, avec pour premier objectif le BIFFF (le festival du film fantastique de Bruxelles). Ce festival mélange à merveille cinéma de genre et BD. On évoque un portfolio. Mais quel en serait le sujet ? Réponse instantanée d’Anna : “Une goule !”. Va pour la goule et comme on n’en reste pas à une Kwak, on continue à discuter et l’histoire commence à prendre forme. On oublie le portfolio, on en fera une BD ! Et plus on avançait dans le scénario plus je voyais le personnage principal assis à côté de moi 😉 Qui mieux qu’Anna aurait pu incarner Azmandeh ! Le projet était né.

Quelle est la technique utilisée pour le dessin ?

La technique est assez classique. Les fonds sont des lavis à l’encre de Chine, parfois rehaussés au pastel. Les dessins sont au crayon, bien gras 😉 Le choix de rester dans les tons noirs et rouges s’est imposé assez vite. Noir comme la nuit, rouge comme le sang !

Comment vous êtes-vous partagés le travail ?

Nous nous sommes revus à Paris, peu de temps après notre soirée au Cercueil pour peaufiner la trame principale. La première partie de l’histoire étant au point, j’ai commencé le découpage. Puis nous avons travaillé en parallèle, Anna sur les textes et moi sur les dessins. Comme nous savions où nous allions, Anna a alors enchainé sur le reste de l’histoire, que j’ai illustré au fur et à mesure que je recevais les textes.

Même si les dessins et l’histoire sont déjà bien glauques, paraît-il qu’il y avait des éléments “too much” ?

Tout dépend de ce qu’on entend par “too much” 😉 mais oui, je pense qu’il y avait des scènes qui étaient très (trop) explicites. Du cul et du sang, bien costauds. Alors la question est toujours : jusqu’au faut-il aller ? C’est clair qu’Azmandeh n’est pas un produit commercial, ni facile d’accès mais il fallait aussi éviter de flinguer le projet avec des scènes très trash. On a donc garder tous les éléments mais en ne les montrant pas aussi explicitement que prévu initialement.

Peut-on en savoir plus sur le clitoris phallique notamment ?
Halala, j’en ai bavé avec ce clitoris 😉  Azmandeh a du sang de hyène et donc comme toutes les hyènes elle a un clitoris érectile de la taille du pénis de Rocco Sifredi 😉 Anna voulait donc absolument que cette particularité anatomique revienne dans l’histoire 😉

As-tu des projets post-confinement ?
Oui, je vais notamment commencer à travailler sur la suite d’Omega Thanatos. Il s’agit d’un projet commun avec le groupe de metal Skeptical Minds. Le CD et la BD ne forment qu’un seul et même objet. Le premier tome avait laissé l’héroïne en fort mauvaise posture, il est donc temps de dévoiler ce qu’il va lui arriver. L’album s’appellera Khàrôn.

Site officiel Alain Poncelet : http://www.theartofalainponcelet.com/

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