Monos, d’Alejandro Landes

Sur un plateau de la cordillère des Andes, un groupe de soldats adolescents est chargé de surveiller une otage pour le compte d’une milice.

Monos coche presque toutes les cases du chef-d’œuvre. Ça commence par une atmosphère très spéciale et un choc esthétique. Le groupe de jeunes soldats évolue dans un bunker géant et décrépi se situant en altitude. Il est alternativement balayé par les vents et hanté par d’épais brouillards.

Le plus intéressant développement du film est la relation entre la guerre et l’adolescence. Le réalisateur dresse des parallèles intéressants entre ces périodes : changements brusques, éruptions de violence, les nerfs à vif, la tension constante, la recherche de soi et de sa place au sein d’un groupe.

Monos m’a fait pensé à pas mal de films chers à mon cœur mais avec à chaque fois une variante, un ajout original. Le travail sur le corps est proche de celui réalisé par Claire Denis dans Beau Travail. Il y a un discours tacite sur l’androgynie de l’adolescent amené de manière subtile.

On pense évidemment à Sa majesté des mouches concernant les relations de pouvoir entre les différents personnages. A partir du moment où il y a un secret à garder, des relations amoureuses, leur innocence va être brisée par le système autoritaire de la milice. On retrouve ainsi plusieurs archétypes : le timide, le chef naturel, l’outsider, le rebelle, le naïf, etc.

Il y a dans Monos une part de survival. On pense aux mésaventures d’un groupe d’amis dans Délivrance de John Boorman. Et puis Apocalypse Now, un peu, pour le voyage le long de la rivière bordée par une jungle épaisse et hostile. Et la guerre, qui n’est jamais loin. Mais dans ces références, ce sont des américains qui galèrent dans un milieu qu’ils ne connaissent pas. Dans Monos, ce sont des autochtones qui sont plongés dans l’enfer vert. Même si c’est dur, ils ne sont jamais surpris de l’hostilité de la nature. Ce qui leur confère un avantage par rapport à leur otage.

Le point fort du film est sa construction en chapitres. Nous passons d’un endroit à un autre avec un chaque fois une atmosphère différente, les relations ayant évolué. Il n’y a pas non plus de personnage principal. On navigue de l’un à l’autre au gré des péripéties.

Le seul reproche que je lui ferais concerne la fin ouverte. Ce n’est pas vraiment dérangeant mais plutôt que d’aller quelque part, le film ne fait qu’errer. Il oublie de sublimer son propos. Il manque un petit quelque chose qui lui fait louper de peu la perfection d’un Apocalypse Now par exemple.

Cependant on ne peut qu’être ébloui par ce travail sur l’image et le son, à la fois réaliste (le tournage s’est vraiment fait dans des conditions difficiles) et onirique (jamais on ne voit justement la difficulté du tournage). Ce subtil cocktail prend aux tripes et propose une immersion que seul le cinéma peut procurer. Ajoutons que c’est Mica Levi qui signe la musique expérimentale faite principalement de bruits et d’instruments bizarres. J’ai d’ailleurs l’impression qu’il y a un bruit d’hélicoptère qui rappelle fortement le début d’Apocalypse Now. Elle avait déjà composé la BO d’Under the Skin. Si celle de Monos n’est pas aussi révolutionnaire, elle est en tout cas radicale et colle parfaitement à l’esprit du film.

Disponible en blu-ray à partir du 19 août 2020 (Editeur Le Pacte).

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