L’étrange festival de Strasbourg, 13ème édition

JOUR 3

Quelques purs instants de rock’n’roll

Vous ne connaissez rien à l’underground new-yorkais des années 80, la No Wave ne résonne pas sous vos tifs en pétard, vous croyez que Richard Kern est photographe et que les punks sont super méchants ? Moi aussi ! Enfin, moi aussi il y a quelques heures. Llik your idols, reportage d’Angélique Bosio m’a dessillé, ignare que j’étais.
Pendant toute la décennie 80, quand la grosse pomme pré-Giuliani était encore la mégapole infréquentable de la légende, une équipée de performers, musiciens et réals se réunirent dans un pseudo mouvement, le “Cinéma de la Transgression”. Fauchés, camés, dégoûtés de la gueule de bois post-sixties, de l’hypocrisie sponsorisée de no futures à crête et des délires puritains d’un président-acteur, ils prirent caméras, copines et drogues, pour réaliser des courts cradingues, aussi subversifs qu’incohérents.
Rencontrez Kern, donc, qui, avant de décrocher de l’héro pour devenir un photographe culte, grava des dizaines d’histoires courtes : X is Y et sa galerie de macho women with guns, You killed me first et son bain de sang autour d’une dinde de Thanksgiving. Voyez Nick Zedd, aussi, qui travailla la paranoïa politique, prétendant apporter grâce à The Bogus Man la preuve d’un poly-clonage de Reagan à partir de ses doigts amputés (on n’est pas loin des délires ballardiens de La Foire aux atrocités). Et puis Lydia Lunch, complice performeuse, qui inventa le slame d’insulte, discipline consistant à agonir son public pendant une heure sans reprendre son souffle. Et puis Joe Coleman, le décapiteur de souris avec les dents, qui entrait chez des inconnus la nuit pour faire se faire sauter le caisson à coups de ceintures de pétards…
Le reportage tape vite et fort, de la formation du mouvement à sa dissolution, explorant ses diverses branches, dont la bouture la plus célèbre reste certainement le groupe Sonic Youth. A côté des éructations de ces tarés, le boulot d’Abel Ferrara ou de Jarmush à la même époque semblent des copies proprettes d’étudiants en arts plas.
Le film devrait sortir en DVD en 2008, à guetter. On peut aussi espérer qu’une tévé maligne aura l’idée de le diffuser. C’est de l’éducation, bon sang.

Raté Mister Lonely de Harmony Korine.
A la place je suis allé bouffer un dwich gras, un panini poulet avec des galettes de volaille reconstituée, façon jambon sous vide, vous voyez ? Il y avait deux vieilles pochardes qui biberonnaient des ptits blancs, et un noir très ivre, ou très camé, qui s’est endormi sur son tabouret juste après avoir passé commande.
Etrange festival, on vous dit.

Retour en salle pour traverser la sixième dimension et le Forbidden Zone de Richard Elfman. Métrage purement indescriptible. Je vous le pose en équation, vous avez deux heures – et je veux une réponse en joules.

Rocky Horror Picture Show + Alice au pays des merveilles + Benny Hill
divisé par Blacksploitation / deux – Vincent Scotto exposant Rabbi Jacob
x Cab Calloway racine d’Oing Boing, deux pi Terry Gilliam cartoonist
ajoutez le nain de l’Homme au Pistolet d’Or et un catcheur yiddish au coefficient final

Là aussi, semble-t-il, une ressortie en DVD de ce chédeuvre de l’An 1980 est prévue pour tantôt. Comme une meringue : inratable.

Les goodies : un Ici l’ombre spécial Activistes de Vienne. Les cousins d’Europe – les tontons, plutôt – des artistes du “Cinéma de la Trangression”, présentés en quatre minutes. Dense et instructif, tout bon, ça se verra sur Canal.
Le Live des Cramps à l’asile psychiatrique de Napa, vingt minutes de grand n’importe quoi filmé caméra à l’épaule : très vite on se demande si c’est pas le chanteur qu’il faudrait mettre en isolement.
Et puis, et puis, l’avant-première de l’encore tout chaud, de l’à peine sorti du four Snip de Julien Zénier. Mieux vaut ne pas trop en dire, à part que ça déchire (avec un cutter de charpentier). En sortie de salle, les spectateurs félicitent le réal, encore exsangue de son boulot de préprod pour être prêt à temps : “- On sent bien le malaise, mec. – Euh, merci, merci…”. “- Je suis pas du genre à me sentir mal au cinéma, là c’est la deuxième fois avec Trouble every day ! – Euh, merci, merci…” Je voudrais bien en dire plus, mais j’ai eu un fondu au noir sur les deux dernières minutes (gaffe, le panini se rebiffe). Guettez les programmations des festivals dans les temps à venir, on en recause quand vous l’aurez vu (à jeun).

Léo

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