Il n’y a malheureusement pas eu d’étrange festival cette année à Paris. Mais les bénévoles du Mad Ciné Club de Strasbourg décident de poursuivre l’aventure en proposant cinq soirées dédiées aux plus bizarres des métrages, qu’ils soient courts ou long. La sélection est très éclectique et quelques invités sont venus rencontrer le public, une occasion en or pour découvrir un cinéma « autre » et de voir les motivations des gens derrière la caméra.
La soirée d’ouverture fut dédiée à l’avant-première française de Frontière(s) de Xavier Gens, survival frenchy très attendu des fans. Le réalisateur ainsi qu’une bonne partie du casting étaient présents pour répondre aux questions du public.
Les yeux exorbités, le ventre gromelant et les jambes en côton à force d’enchaîner les séances, c’est notre gonzo-journaliste Léo qui a assisté à la plupart des projections et qui vous livre ici ses impressions.
JOUR 1
L’Etrange Festival s’ouvre sur un inédit, une avant-première absolue, un truc que même les acteurs présents dans la salle n’ont pas encore découvert en entier, ta-dam, ça s’ouvre sur le Frontière(s) de Xavier Gens. Un survival horror premier degré à la française, nous annonce-t-on. Avec des nazis cannibales.
Sortie prévue pour début 2008. Ce qui ne va pas m’empêcher de d’ores et déjà vous en gâcher le plaisir.
C’est l’histoire d’une bande de potes en cavale après un braquage. Au bout d’une nuit de route, ils décident de faire une pause et s’arrêtent dans le mauvais hôtel. Si le mot Psychose résonne dans votre tête, a priori vous avez tout bon. Sauf que le Norman Bates local est toute une famille, directement transpotée du Texas de Massacre à la tronçonneuse pour meubler la campagne picarde. Et qu’ils sont nazis. Et cannibales à leurs heures perdues.
Xavier n’aurait pas un look entre Kevin Smith et Michael Moore jeune qu’on l’aurait quand même déjà capté, dans son rôle très tendance de réal cinéphile gavé aux VHS baveuses. Et c’est en vain que le public, après la projection, lui cherchera des poux sur des ressemblances avec les récents Sheitan, Hostel ou The Descent (trois coups de cymbales dans la nuit de l’esprit). C’est juste qu’ils puisent tous aux mêmes sources.
Frontière(s) est donc un premier film de geek joyeux. Il m’offre la super métaphore de la boîte à jouets. Un plein seau de cubes que Gens aligne pour le plaisir de ceux qui aiment : peur du noir, horreur tapie dans la cave, claustrophobie, folie, reptation dans la merde, cadavre qui revient à la vie, cache-cache mortel, torture… et puis aussi : poursuite en bagnole, fusillade, chute, emprisonnement… et encore : corps égorgés, corps bouillis, corps cousus, corps salés, corps dévorés et crânes explosés. Evidemment, le scénario peine un peu à rabouter les séquences l’une à l’autre, et le décor lovecraftien de la mine abandonnée (toujours en avoir une sous la main) n’en finit pas de s’ouvrir sur de nouveaux dédales pour de nouvelles sensations.
Deux points sales salopent la ludique installation. D’abord le fond politique qui sert de fil rouge et qui – au mieux – loupe son coup de cent bons mètres. On est dans un entre deux tours d’élection (nudge nudge) et une sorte de El Sarkopen est sur le point d’être élu. Le récit s’ouvre sur des émeutes en banlieue et se clot sur un contrôle de police – les méchants sont des flics consanguins de la campagne, les gentils des zazous reubeux de la téci. Ce qui nous mène à l’autre aspect, très Europa films : mettre en scène des jeunes héros de banlieue, caricaturés comme il faut, avec du graveleux et du sot, pour chatouiller ce côté-ci du public. A moins que ce ne soit qu’un soucis de discrimination positive, je sais pas. Reste que ça rend un effet bizarre.
Après, c’est marrant : comme c’est une avant-première il y a pas mal de presse, on s’incruste pour improviser des interviews. Tout les acteurs s’accordent sur un point : Xavier est un mec génial. Tellement gentil, tellement enthousiaste. Les filles viennent de cursus classiques et elles disent n’avoir découpé, pourfendu et explosé que parce qu’il le leur demandait si gentiment. Elles ont beaucoup bossé l’aspect psychologique (elles tiennent d’ailleurs la plus belle scène, à mon avis) mais jamais elles ne referont un truc pareil. Les mecs sont moins catégoriques, et certains carrément ravis, prêts à replonger demain. La vérité nue se révèle à mes yeux nus : le gore est un genre de petit garçon.
Quand vient l’heure de causer au réal, je n’ai plus aucun doute. Il a les yeux qui brillent, le rire facile, il ressemble à un lutin goguenard, c’est le plus beau jour de sa vie. Ca lui rappelle ses six ans, quand il a vu pour la première fois l’Exorciste.
Frontière(s) est resté longtemps en post-production. Entre temps, Xavier Gens a réalisé pour Hollywood un thriller titré Hitman, avec 13 fois le budget de son premier film. La bande-annonce laisse craindre le pire du pire : le héros est un mastard rasé avec un code-barre sur la nuque et il y a des gunfights au ralenti, des colombes qui s’envolent. Je lui demande si c’est un film de yes man, il pouffe, hésite. « Comment dire… Maintenant j’ai les moyens de faire un vrai film d’auteur, je me suis lancé dans un truc avec un naufrage, des requins, et après les héros échouent sur une île, et là il rencontre des cannibales… »
Ses yeux lancent des putains d’étincelles : il a trouvé le schroumpf collector dans son oeuf Kinder. Il va pouvoir aggrandir sa boîte à jouets.
Vidéo : Rencontre avec le public après la projection
Court accompagnateur : 458 nm. Porno zoophile allemand, entre escargots cyborgs en images de synthèse. Si.
Léo