Damned et Flander’s Company

Nous arrivons au meilleur de la saison un, selon toi. J’avais lu que tu le considérais comme le plus abouti de la première saison mais aussi celui des problèmes : Damned 4 : Requiem. Très ambitieux pour le milieu amateur et il dure trois quart d’heures.
Rétrospectivement, un peu bancal aussi, hélas. Pour moi, c’est le premier qui ait un background un peu développé. Quand aux problèmes, on va dire que le produit fini n’est pas entièrement conforme aux objectifs initiaux. C’est dommage, il y aurait eu moins de tension, on aurait fait quelque chose de plus sympa.

Tensions relationnelles, donc…
J’ai pu voir qui étaient mes amis et qui ne l’était pas sur ce tournage.

Un réalisateur amateur m’a expliqué combien il était dur de gérer cela. À la différence des productions dites « normales », les gens ont tendance à faire à leur tête parce qu’ils ne sont pas rémunérés.
Disons que l’immaturité de certains ou leurs ambitions personnelles peuvent vraiment pourrir un projet.

Surtout que tu es réalisateur et producteur en quelque sorte.
Ce qui devait en théorie éviter tout problème : dès le début, il était clair que Damned était ma “création”. Je m’occupai seul de l’écriture et de la réal, le décisionnaire était dans mes mains. Certains ont essayé de court-circuiter ça de façon assez dégueu – de mon point de vue – et ça a provoqué un clash irréversible.

Ils voulaient changer la direction du film comme ils le désiraient ?
Ça, ça n’aurait pas été gênant : Écrire le scénario, ça ne veut pas dire empêcher les autres de participer, ça veut juste dire que j’avais la décision finale quant à ce qui allait se faire et ce qui n’allait pas se faire. Mais apprendre durant un été qu’on a tourné un soit disant épisode de la série sans que je sois au courant et me mettre devant le fait accompli, ça a été un peu « too much ».

Cela me parait logique, il faut un chef pour trancher.
Ca me paraissait logique aussi. Enfin, cette période un peu chaotique est définitivement derrière moi. L’équipe actuelle ne m’a jamais posé ce genre de problème.

Ton état d’esprit après que le quatre soit bouclé ?
« Il est fini ! Je passe enfin à autre chose ! »
La vie étudiante est finie aussi, faut bosser maintenant, C’était sans compter sur le pouvoir de persuasion de mes amis (et acteurs) Remi et Clémence qui m’ont fait vite changer d’avis. Les petits salopards…

Tu t’es dit que ça avait du succès dans une certaine mesure. Vu que ça plait, alors on continue.
C’est vraiment Clémence et Remi qui m’ont fait repartir sur l’écriture d’une saison deux. Les idées se sont vraiment bousculées. En quelques mois j’avais une trame complète à développer sur plusieurs épisodes. C’était la première fois que ça se produisait. Du coup, il y a eut un côté challenge à relever qui m’a motivé et la perspective de travailler avec des amis importants sur quelque chose qui nous motivait tous. Génial.

J’ai l’impression effectivement que ce qui n’était qu’une base brouillonne s’est développé à ce moment là, du moins au niveau du scénario. Un peu comme si la saison un était un prototype.

Ce n’est pas faux, mais je m’en suis rendu compte après coup. Quand le 5.2 a été terminé et le 6.1 mis en chantier.

Vous avez aussi digéré (si j’ose dire) vos nombreuses influences, du jeu de rôles aux jeux vidéo, de l’anime aux films asiatiques.
Nous sommes passé des références directes aux inspirations et allusions un peu plus fines je pense.

C’est que votre univers est devenu cohérent.
Juste un peu plus alors. C’est vrai qu’il a fallu mettre en place une chronologie, une cosmologie, des liens entre les personnages. Sam et Johan étaient des coquilles vides : pas de passé, pas de psyché, des personnages inscrits dans le présent et c’est tout. Clem, Remy et les autres sont plus développés.

À partir de la saison deux se stabilise l’équilibre entre personnages, bastons, et… comédie, puisque l’humour tient une grande place dans la série.

À mon avis, rien n’est plus déprimant qu’une production amateur qui se prend trop au sérieux.

Ce qui est intéressant, c’est que vous n’êtes jamais cyniques. Vous vous moquez quelquefois des personnages et des situations mais jamais des genres que vous manipulez.
Parce qu’on aime les genres qu’on manipule. Parce qu’on sait que si on faisait du sérieux, on emmerderait tout le monde aussi. Parce qu’on sert la honte et que c’est notre joie, enfin.

Justement, cet amour du genre ressort bien, contrairement à certaines grandes productions françaises qui semblent être gênées.
Merci ! C’est qu’on n’est pas trop mauvais alors.
Ce n’est pourtant pas comparable. Une production professionnelle à des comptes à rendre à tous ses financeurs, ses producteurs et une horde de gens du marketing souvent psychorigides. Nous, si on n’a aucun moyen, si on est hyper limité par la technique et nos capacités, on a la chance de pouvoir faire scénaristiquement ce qu’on veut sans rendre de compte à personne Je pense que c’est ça qui peut intéresser les gens dans ce genre de projet, de voir quelque chose qu’ils ne verront pas ailleurs (en bien ou en mal d’ailleurs).

J’avoue personnellement que j’ai regardé des épisodes, surtout les derniers, en me disant “Pourquoi ce n’est pas à eux que l’on donne des euros” ?

Parce que le spectateur français kiffe Julie Lescaut. Parce que le producteur français moyen sait que Navarro se vend, alors il va produire du Navarro. Pourquoi risquer des sous sur un truc qui peut être casse gueule et sortir des sentiers perdus ? Non, mais franchement ?

Tu ne crois pas que les choses sont en train de changer ? Je pense à Nolife (La chaine thématique Nolife, diffusée via Internet, a débutée officiellement le 1er juin 2007 et vient donc de fêter son premier anniversaire). Une chaîne pareille paraissait impossible il y a seulement cinq ans.
C’est encore impossible aujourd’hui. Nolife, c’est un Ovni qui ne s’autofinance pas pour le moment, qui tourne grâce au bénévolat de tous ceux qui y travaillent, mais les annonceurs indispensables à la pérennité du projet sont pour le moment absents. C’est dommage, à mon avis c’est une des seules chaînes vraiment originales du PAF. Mais je ne crache pas sur la télé et il y a des émissions françaises vraiment excellentes, je pense à Kaamelott.

Un Ovni dans son genre.
Carrément !

Kaamelott a été considéré comme un simili Caméra Café à ses débuts.
C’est génial qu’ils aient pu le produire et que le succès soit au rendez-vous. Même Caméra Café a ouvert plein de perspectives. C’est le genre de projet typique porté à bout de bras par des gens qui ont réussit à vendre leur concept à des producteurs, sans trop de concessions. Ils ont prouvé qu’une idée qui pouvait laisser des financiers frileux pouvait avoir du succès auprès du public. Sans Caméra Café ou Kaamelott, j’aurais jamais eu l’idée de faire Flander’s.

Effectivement, les similitudes sont là.
Sur le format, à 100%. Sur la dynamique en partie. C’est clair qu’ils m’ont montré comment faire.

Retour sur la saison deux, ne la laissons pas se terminer si vite. C’est la saison ++. Plus d’expérience, plus de personnages, plus d’ambition. Plus de structure aussi, on voit bien les camps en présence.
Oui, tout a été plus travaillé même si cela reste un peu confus.

Tu as déjà les prochains épisodes sur le papier, ne serait-ce qu’au niveau du synopsis ?
Jusqu’au dernier. Mais il faudrait pouvoir terminer. Les aléas de la vie sont impitoyables.

C’est vrai que le boulot d’organisation doit être monstrueux.
Surtout quand la moitié de tes acteurs vont vivre à l’étranger, D’où le méga retard sur le 6.3.

Tu story-boardes certaines scènes ? Je pense aux combats.
Pour le prochain, j’ai 45 pages de story-board. C’est une exception. Une année à l’IUFM, ça laisse du temps pour tout dessiner.

Il y aura une saison trois ?
Non, la saison deux conclura l’aventure. Après, on sera trop vieux pour assumer de balancer des kaméhas à la Dragon Ball. ” Salut, c’est Sinji, le Nigthblade sexagénaire ! “ . Non, ça ne le ferait pas.

Votre moyen de diffusion via le net est intéressant, on sent que le succès fonctionne en profondeur et sur la durée.

J’en suis le premier surpris. Damned était un projet égoïste à la base, On ne pensait pas que ça plairait autant. Depuis, il y a des gens qui suivent ça avec un intérêt incroyable, ça fait super plaisir.

Je vais te dire, à mon avis, ça occupe un petit créneau. Il n’y a pas d’équivalent en France.

C’est ce que je me dis un peu, même si je trouve ça un peu prétentieux.

C’est à votre niveau, c’est sûr. Mais qu’est ce que ça fait du bien de changer du sempiternel : « Rien ne peut se faire dans ce pays », comme si c’était inscrit dans le marbre.
Certes. Mais ça vaut le coup de tenter, je crois.

8 commentaires sur “Damned et Flander’s Company”
  1. Très très bon travail Udéka. Ça mérite toutes mes félicitations pour avoir accompli ce challenge haut la main.
    J’aime beaucoup tes articles: concis, facile à lire, humoristique avec parfois une légère touche ironique, juste ce qu’il faut. Ne nous en prive pas ^^. Je te soutiens à fond.

  2. Très bon article sur un sujet génial. Je suis Damned depuis le 5.1 et personnellement je trouve que le scénario est bien, les effets spéciaux déchirent et on s’amuse bien en le regardant.
    Flander’s Company est fait dans le même moule et donc c’est aussi drôle.

    Si jamais Ankama est ok pour adapter en manga, j’achetérais quelque soit le format ^^

  3. Merci pour tant de compliments, Namoko. Par contre, je ne sais pas si le rédac chef partage ta notion sur mes articles concis vu les pavés que je lui soumet à chaque fois.

    Merci également Virgo. Concernant l’édition, c’était une idée personnelle qui me semblait assez bien vue après coup. Si ça se trouve, ça peut inspirer des personnes-clés.

  4. ah tiens mon commentaire n’a pas été publié ?

    Que dire à part que je suis les guardians depuis un bon bout de temps déja et que je ne manque pas de les faire partager à mes amis avec toujours la même émotion (surtout quand clem arrive :-))

    je trouve l’interview une super idée car c’est vrai qu’on est toujours en quête d’informations sur les débuts et tout et tout, et qu’un jour on réalise son rêve d’en faire partie !

    Bonne continuation

    Djseb alias superman

  5. Navré, ton commentaire datant du vendredi 11 juillet a effectivement été vaporisé. Inexplicable technologie.
    J’en ai gardé trace :

    “Franchement, ca laisse rêveur tout ca, moi qui suit quasiment depuis le début, j’en apprend tous les jours un peu plus !

    Félicitations à toute la bande et merci d’avoir réalisé mon rêve de tourner avec vous !

    En tout cas chapeau à Sinji qui n’a jamais eu la grosse tête et qui sait nous recevoir comme ses amis, ca fait toujours très plaisir 😉

    djseb alias superman”

  6. Bonne nouvelle. Ca veut dire qu’il a une trace de notre dernière soirée bière, celle où Jérôme récitait l’alphabet en rotant (jusqu’à la lettre F).

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