Pour nous faire patienter avant la projection de Tokyo Gore Police, nous avions eu droit à de bonnes petites friandises, une série de courts-métrages de Nieto, Le Prof Nieto Show.
Dans un amphithéâtre, un professeur aidé par son assistant Patrick (un orang-outan !) donne des leçons de choses sur les animaux devant des étudiants concentrés. Nous apprenons ainsi beaucoup sur le sadomasochisme chez les lapins, l’aérodynamisme des chiens volants ou assistons à une expérience incongrue pour prouver que les chats ne sont pas les seuls à savoir retomber sur leurs pattes. C’est garni de petits détails hilarants. La salle était pliée de rire. Dans un autre court, sa leçon sur l’animation, d’abord sérieuse puis absurde, est des plus amusantes aussi. Une chose est sûre, ce gars a du talent à revendre.
Dans un genre moins agréable, je n’ai pas vraiment été conquis, dirions-nous, par l’ultra-choc Sandik, court-métrage turc qui ne devrait pas plaire à tout le monde. Un travail qui mise tout sur l’effet provocateur mais sans creuser d’histoire. J’avoue avoir un peu de mal avec cette optique (vu que je porte des lunettes. Non, rien, laissez tomber…) qui bien qu’elle percute pas mal son spectateur non averti s’avère trop gratuite.
Tokyo Gore Police
Authentique objet barge, Tokyo Gore Police réussit l’exploit d’être encore plus extrême que The Machine Girl des mêmes auteurs. Rappelez-vous de la vengeresse écolière avec une Gatlin à la place de son bras. Nous quittons le temps de quelques lignes la normalité pour pénétrer sur les terres du J-Video trash et décalé, baigné dans un rouge qui badigeonne les 4:3. La maison de production ne s’appelle pas Tokyo Shock pour rien.
La police très fascisante de Tokyo a fort à faire avec une nouvelle forme de criminalité, des forcenés appelés les ingénieurs, qui ont la capacité de transformer leurs blessures en armes. Un bras amputé devient un bras-tronçonneuse par exemple. Le seul moyen de les tuer est de sectionner une petite pièce de chair en forme de clé dans leur corps qui est leur caractéristique commune. L’officier de police Ruka, uniforme réglementaire sans faux pli sur le dos et katana sur la hanche, est une spécialiste de la chasse aux ingénieurs et en a éliminé une bonne cinquantaine. Elle remonte la piste de l’un d’entre eux qui commet des crimes en série démentiels. Il révélera la vérité sur l’assassinat du père de Ruka alors que les évènements dégénèrent dans toute la ville et que la police extermine les civils.
Si ce résumé vous semble déjà bien tangent du ciboulot ce n’est encore rien par rapport au visionnage, véritable concentré de contre-culture pop frénétique et outrancière qui s’approche plusieurs fois de la folie furieuse, surtout dans les mutations diverses avec connotations sexuelles bien appuyées. Le tout ponctué de découpages qui éclaboussent, en saucissonnant du corps humain à la pelle avec une sacrée imagination déviante. Stupéfiant. Si je voulais élever la critique, j’ajouterais que cet opéra gore évoque des dangers de la privatisation. Puisque je vous le dis.
Comme le présentait Rurik Sallé, TGP est un long-métrage too much dans tout, de sa durée (1H50) à son hystérie ambiante qui brasse énormément de références : Wicked City, Paul Verhoeven, la « nouvelle chair » de M. Cronenberg, Lady Snowblood. On est jamais si bien servit que par soi-même et une grande influence Meatball Machine y est injectée aussi. Tout est à prendre au X-ième degré (les mains projectiles !) ce qui fait que les hectolitres sur l’image n’ont rien de dérangeant. Le public applaudissait aux éclats de bravoure splatter, comme dans le temps. C’est quand même trop long et chacun se moquera comme de sa première layette du sort des personnages, hormis l’héroïne. Statistiquement, ils vont tous se faire hacher menu ou vont muter de façon psychotronique dans les minutes qui suivront leur entrée en scène, alors…
La fin nous annonce une suite en nous promettant encore plus de sang versé. Prévoyez un ciré jaune. Ces gens sont fous…
Udéka