Alucarda
Grande immersion dans le bizarre avec ce film mexicain qui date de 1975 invisible de par chez nous depuis le Festival du film fantastique de Paris en 1978, où il passait à côté de Suspiria de Dario Argento. Abusivement retitré en vidéo Mark of the Devil 3 aux USA, il fut édité en 2002 par Mondo Macabro. Ce fut leur première édition et c’est ce DVD qui nous fut projeté.
Après minuit, de plus. Un midnight movie dans le sens originel du terme, pour le coup.
Alucarda de Juan López Moctezuma peut se placer comme un chainon manquant entre Alejandro Jorodowsky et Les Diables de Ken Russel, à moins que ce ne soit influencé par Jean Rollin, signale le madeux de chez Movies 2000 avec qui j’en parlais. Plus j’y pense et plus je me dis qu’il a peut-être raison. La filiation au réalisateur de La Montagne Sacrée coule de source lorsqu’on sait que Moctezuma fut aussi le producteur de Fando et Lis (1968) et d’El Topo (1970). En 1973, il avait signé le surréaliste The Mansion of Madness (disponible grâce à Mondo Macabro). Il fut également un proche de Luis Buñuel.
Esthétiquement splendide (de nombreux plans renvoient à la peinture), le film conte la tragique destinée de deux jeunes femmes, Alucarda (la troublante Tina Romero) et Justine (merci, monsieur le Marquis) qui sont pensionnaires dans un couvent au XIXème siècle. Entrainée par sa très païenne amie, l’innocente Justine plongera dans la spirale sulfureuse des délices du Diable à la grande frayeur des cléricaux. Après un exorcisme extrême, les dévoyées vont se venger de leurs tourmenteurs dans les flammes et le sang.
Si on dépasse une première moitié que j’ai trouvé longuette, ponctuée par les cris des possédées et autres tics « sapho-satanico-hysterico-paganistes » bien connus du genre nunsploitation, la seconde moitié est tout de même impressionnante. Plus compréhensible que chez Jodorowsky, l’intrigue est plus subtile qu’on ne s’y attendait. À noter que l’histoire est inspirée par Sheridan Le Fanu, l’auteur de Carmilla.
Moctezuma offre une vision passionnée, mêle des thèmes riches, fait rentrer en collision des éléments opposés, soit triviaux, soit de l’ordre du sacré. Les notions de l’obscur et de la raison se floutent. Il est à cet égard significatif que le gitan à l’allure de satyre et le médecin soient joués par le même interprète. Alucarda, la hija de las tinieblas contient de bien belles images fortes et infernales comme Justine surgissant d’un tombeau, rougie sur tout son corps par le sang frais ou Alucarda embrasant les religieux à volonté.
Udéka