Un vendredi au Feffs

Vous ne savez pas ce qu’est le FEFFS, rendez-vous ici : www.strasbourgfestival.com

La sélection des courts-métrages français

Réalisé par David Perrault, sur commande d’Arte pour une série de courts sur le thème de Noël, Adieu Créature met en scène Rufus dans le rôle d’un Père Noël blasé qui cherche à fuir son métier. Le film prend d’abord une forme de film noir des années 50, avant de se diriger vers le surréalisme et l’absurde. Il s’avère juste un peu contemplatif par moment pour pas grand chose.

Bibelots de Mathieu Rotteleur et Coraline Gamon est un film d’animation réalisé dans un cadre scolaire. Sur une étagère, un personnage de bois a le hoquet. Ses camarades bibelots (une tête de poupée, des figurines de singe) essaient de lui faire peur en rejouant des scènes cultes de film effrayants (les dents de la mer, l’exorciste, psychose, etc.). Un petit film rigolo pour cinéphiles.

Cabine of the dead, de Vincent Templement évoque une énième invasion de zombies, sur le ton de l’humour cette fois. Harcelé par des créatures en manque de chair humaine, un homme se retrouve piégé dans une cabine téléphonique. Il appelle alors toutes ses connaissances pour tenter de trouver de l’aide. Mais il est certainement déjà trop tard. L’humour fonctionne plutôt bien grâce au décalage entre la situation d’extrême danger d’une invasion zombiesque et les réactions banales des différents amis et proches du personnage principal. Encore des zombies mais quand le scénario et les dialogues font preuve d’originalité, ça passe bien !

Dernier étage, d’Olivier Morice, utilise la structure de boucle infinie (un artifice utilisé dans plusieurs courts du Feffs d’ailleurs). Un représentant monte les étages et tente d’atteindre le dernier… Sans jamais y arriver. La mise en scène est soignée, si bien que l’on ressent vraiment le tournis à force de monter et remonter ces escaliers étroits. Bon, pendant huit minutes, ça fait un peu long quand même, mais toujours moins que l’éternité.

Les incroyables aventures de fusion man fait partie d’une série de courts réalisés dans le cadre d’une campagne contre l’homophobie. Avec Xavier Gens aux commandes (et Marius Vale), on a droit à un vrai film de superhéros gay, avec de l’action, des masques, des combats d’onde alpha.

Je n’ai pas du tout accroché à Ma mort à moi de Mathieu Mazzoni. Le film raconte l’histoire d’un type qui voit sa propre mort dans un magazine à sensations. Son problème, c’est l’origine de sa mort : empoisonné par un yaourt périmé… Le réalisateur tente une approche par l’absurde mais pour dire quoi exactement… Mystère.

Mon père fut sans doute le film le plus intense de cette sélection. Patrice Gablin avait déjà réalisé auparavant Chasseur de rêve, un beau film d’aventures montagnardes où d’obscurs personnages recherchaient une obscure créature magique. Formellement, le film était très réussi et proposait d’étonnants effets spéciaux utilisés pour créer une atmosphère étrange. Le point fort du film était aussi son point faible, le visuel prenait le pas sur le récit et les motivations des personnages restaient confuses.
Avec Mon père, le réalisateur se concentre sur le déroulement de l’action et ses personnages. Il garde toujours en tête cette idée que l’imaginaire (les rêves, les contes et légendes) peut entrer en contact avec un quotidien bien réel. Le film raconte l’histoire d’un enfant qui trouve que son père est “bizarre”. La maman, interprétée par Stéphanie Kern Siebering, montre aussi une certaine méfiance… Le film est donc débarrassé d’un visuel trop prégnant. Au contraire, il s’ancre dans un naturalisme assez froid. Le récit fonctionne grâce aux comédiens et en particulier les enfants, étonnants de spontanéité quand il faut jouer leur propre rôle. Reste que la fin est un peu trop grandguignolesque alors que ce n’était pas nécessaire, la terreur étant dispensée par la suggestion et le jeu inquiétant d’Emmanuel Bonami.

Polaroïd raconte les histoires de coeur d’Anna, une jeune photographe, adepte de l’appareil en voie de disparition. Cette veuve noire s’en sert pour capturer dans un album photo un peu spécial, ses fiancés trop volages à son goût. Le film se laisse suivre, sans ennui mais sans grand intérêt non plus.

Via de Léonore Mercier est un chef d’oeuvre pasolinien ainsi qu’une bouleversante mise en abyme sur la condition de l’être-cinématographe. Ce court-métrage expérimental essaye de réécrire les règles classiques du cinéma, changeant la logique des choses. Le film est à la fois une histoire et un making-of. C’est un peu nombriliste et heureusement que Denis Lavant interprète le personnage principal. Sa trogne échevelée et sa présence perturbante suffisent à remplir le cadre d’un film un peu vain.

La sélection des courts-métrages européens

Amock est un film français qui montre des étudiants à la fac filmer un peu n’importe quoi. Jusqu’à ce qu’ils aperçoivent brièvement une créature bizarre. Les deux garçons suivent la bestiole dans les sous-sols de l’école et sont bientôt poursuivis par des monstres. Pour résumer, c’est Cloverfield en moins bien. Même si visuellement, le résultat est potable eu égard des moyens que l’on devine limités, on se demande quel est l’intérêt de refaire quelque chose qui a déjà été fait mille fois mieux.

Customer support est sans doute le plus drôle de la sélection. Ce courts norvégien montre une hotline téléphonique, avec des techniciens toujours prêts à aider le client. Pour dépanner un ordinateur ou une connexion Internet ? Non, pour ouvrire une porte ! Dans le monde du réalisateur André Ovredal, ouvrir une porte peut devenir très vite compliqué. L’on ne se rend pas compte de tout que cela exige en dextérité et en intelligence…

El grifo fait figure d’exercice de style sur le thème du survival. Un homme âgé se retrouve seul et se coince le doigt dans un robinet. Il doit alors faire face à tous les obstacles que cet imprévu lui réserve : comment se nourir, faire ses besoins, prendre ses médicaments, survivre, appeler à l’aide, etc.

Fard est un film d’animation au graphisme très épuré. Travaillant dans un bureau, Oscar récupère un mystérieux paquet laissé par un ami. Il l’ouvre et une lampe de poche fait apparaitre un monde “autre”. Le concept est étonnant et très réussi. L’aspect visuel global se base sur le même concept que A scanner darkly. On a filmé les acteurs et les décors puis on repasse les contours au crayon, image par image. Sauf que la technique sert ici également d’idée scénaristique : le trait lisse du crayon cache un monde bien moins reluisant.

Jericho, film irlandais de Liam Gavin, est mon chouchou. Franky a du mal à se remettre de la mort de sa femme. Il est même prêt à se suicider lorsqu’il entend un bruit au grenier. Dans une malle, c’est son doudou d’enfance nommé Jericho, qui le supplie de reprendre goût à la vie. A Jericho se joint Blizzard, une peluche géante et vivante de 2 mètres de haut sur 2 mètres de large ! Croyant avoir des hallucinations, Franky va suivre un traitement psychiatrique qui vont progressivement faire disparaître ses deux compagnons. Le film est très émouvant et il réussit le tour de force  de trouver un graphisme rappelant l’enfance, et qui donne un contraste énorme avec l’univers gris et triste du quotidien de Franky. Jericho et Blizzard sont la manifestation colorée de l’espoir, face à la sévère dépression de l’homme. En somme, c’est une sorte de Max et les maxi-monstres pour cinquantenaires déprimés.

Les pantoufles de Laura revisite les peurs enfantines à la façon espagnole. Oscar Bernacer (présent au festival) livre un film très personnel et la mise en scène s’adapte à l’état d’esprit de la petite fille, personnage principale qui doit surmonter ses terreurs nocturnes. Guillermo Del Toro n’est pas très loin avec son faune et sa créature du banquet.

La Suisse nous envoie Lester, un vampire allergique à certains groupes sanguins. Sa prochaine victime, une jolie jeune femme qui se retrouve le sein à l’air, sera-t-elle compatible ou non ? Un brin d’érotisme, beaucoup d’humour, un sympathique petit film qui fait du neuf sur le thème éculé du vampire.

Mr Foley est un film très étrange. Mr Foley se réveille à l’hôpital. Il n’entend plus rien. Seulement les sons d’un orchestre et d’un duo de bruiteurs sadiques. Quelle est cette masquarade ? Est-il fou ? Sourd ? Quatre minutes de non-sens mais dont la forme fera marrer.

Perpeetum Mobile (la Suisse encore) s’emploie à illustrer la boucle infinie dans un exercice un peu simpliste.

Tous les hommes s’appellent Robert, du français Marc-Henri Boulier, est aussi court qu’efficace. Un homme court nu dans la forêt, couvert de boue. A ses trousses, des chasseurs sans pitié. Tout le film est basé sur sa chute, étonnante, mais pas originale puisque le concept a déjà été utilisé dans un film célèbre avec des primates sur des chevaux. Quoi, je spoile…

Proie, d’Antoine Blossier

Un patriarche et ses deux fils s’occupent d’une usine d’engrais et d’une exploitation agricole. Lorsqu’ils retrouvent des cerfs blessés, ils partent à la chasse au sanglier, en emmenant le gendre. Mais les magouilles chimiques et financières d’un des fils a pollué les eaux du secteur, ce qui a rendu les animaux fous. La partie de chasse va tourner au massacre pour les humains…

Embarrassant.

C’est un film de sangliers. Que l’on devine fous furieux. De grande taille. Mais que l’on ne voit jamais. Ou alors si peu.  Pendant une heure et demi, nous suivons les quatre hommes déambuler dans la campagne et attaqués toutes les cinq minutes par des fougères qui bougent. Lors des attaques, la caméra est beaucoup secouée. Dans la salle au deuxième rang, les dégâts rétiniens sont avérés. Les “jump scare” sont légion et toujours basés sur le même principe. Plus de musique, plus de bruit et… JUMP SCARE ! On sursaute la première fois mais ensuite on a compris. Enfin mon voisin de gauche ne comprenait pas. Il sautait à chaque coup. C’était épidermique, je crois.

Le réalisateur et son scénariste étaient présents. Ils ont répondu aux questions d’un public visiblement comblé. Pour ma part, je ne comprends pas comment on peut faire un film de sangliers, sans montrer de sangliers. Ok, c’est une question de moyens. Mais imaginons un instant Predator sans voir la créature…Ca n’a pas de sens. Et les auteurs ne cessent de clamer leurs influences: des films des années 80, Razorback, Predator, ou des plus récents comme The Descent.

Dans une scène, un téléphone portable ne cesse de sonner, trop longtemps. Les auteurs arguent d’une certaine crédibilité. On ne peut pas se débarrasser du portable juste pour arranger le scénariste. Soit. Mais les nombreuses influences de films de genre que citent les auteurs ne s’embarrassent jamais de soi-disant “crédibilité”. Predator est un film sur des militaires chassés par un rastaman griffu et casqué. Dans le genre crédible, on a vu mieux. Ce sont la réalisation et les idées de mise en scène de Mc Tiernan qui transcendent un scénario de série Z. La recherche de crédibilité à tout prix ne doit pas être une priorité, le spectateur sait qu’il regarde un film fantastique, donc il est prêt à accepter de nouvelles règles pour peu qu’elles aient une logique. Le casque du Predator est un outil de chasse et ses dreadlocks lui amène de l’air enrichi au gaz de sa planète (finalement son accoutrement bizarre trouve une logique).

Proie est aussi symptomatique de l’inadéquation entre producteurs et réalisateurs. Les premiers voient dans le film de genre une recette, un produit calibré pour ados qui aiment le gore, mais ils limitent et tempèrent systématiquement les idées folles des scénaristes et des réalisateurs. Nul doute que si les auteurs avaient pu mettre en image toutes leurs idées, le résultat eut été bien différent…

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