Folies passagères 2, d’Izabel Grondin

Cela fait maintenant quelques années qu’Izabel Grondin, réalisatrice québécoise, se frotte au film de genre. Cette deuxième compilation nous offre six courts-métrages réalisés entre 1996 et 2013, un peu moins de vint ans où l’on peut observer l’évolution du style de l’auteure. On pourrait vite cataloguer ces films dans la case “horreur” ou “épouvante” mais ce serait sans compter sur un côté barré et déviant, une bonne dose de folie pas trop passagère, puisqu’on la retrouve dans chaque film ! Chaque court-métrage dépasse un peu les bornes pour s’aventurer dans des contrées moins confortables que le tout-venant horrifique. Procédons par ordre chronologique

Rüben is not well présente une image crado (de la pellicule sans doute) et en noir et blanc. Nous pénétrons dans l’appartement d’une espèce de couturier fou qui observe sa voisine suicidaire. Il s’agit d’une plongée dans la psychée d’un psychopathe. L’atmosphère est étouffante, punk et rock’n’roll. Il s’agit d’une simple mise en bouche.

Sang Remords : de la poésie toujours, du noir et blanc encore. L’histoire raconte comment vit une femme vampire, aidée par son valet humain. C’est un peu classique, pas mal gothique et l’image granuleuse donne une bonne ambiance. Là encore, il s’agit d’un exercice de style plutôt qu’un vrai court-métrage.

Aspiralux : changement de ton et passage à la vidéo. Un VRP fait du porte-à-porte pour vendre des aspirateurs. Bien sûr, il essuie de nombreux refus jusqu’au moment où un type a l’air crédule et un peu bête lui ouvre sa porte. Croyant à une bonne affaire, le vendeur se retrouve en fait dans l’antre d’un pervers. L’homme lui inflige alors des sévices dégoûtants et humiliants. Le film propose une bascule originale d’un morne et banal quotidien vers une expérience extrême. En lieu et place de la “damsel in distress”, c’est donc un homme qui est pris au piège dans une cave, ce qui change la donne habituelle du “survival”.

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Caviar nous emmène chez les scatophiles (les amateurs de caca). Un homme attend une femme dans un bar pour réaliser un fantasme mais c’est en fait un autre homme qui lui a joué un tour. Décidément, c’est assez étrange (marrant?) de voir qu’un fantasme hétéro se transforme grâce aux circonstances en fantasme homo. Un peu contraint, l’homme accepte toutefois la proposition. Mais une fois sur place, les choses ne vont pas se dérouler comme prévues. On pouvait craindre du dégueu et du mauvais goût mais c’est tout l’inverse qui arrive et Izabel Grondin injecte une bonne grosse dose d’humour qui fait passer la pilule.

Fantasme : nouveau court-métrage, nouveau fantasme ! Intéressée par le fétichisme médical, une femme passe une petite annonce par internet. Dans un bar, elle fait la connaissance d’un docteur amateur qui l’invite chez lui pour lui proposer une séance. Dans la salle de jeux toute équipée en matériel et accessoires médicaux, les deux commencent à jouer au docteur. Mais l’apprenti-gynéco se révèle plus menaçant que prévu. L’image propre et clinique sied merveilleusement bien à ce film pour créer une atmosphère lourde et troublante. Si au début on est dans un jeu érotique, la bande sonore et les images déformées nous plonge directement dans un cauchemar beaucoup moins agréable. La réalisatrice parvient à créer un suspense assez intense car d’une part il y a l’appréhension de réaliser un fantasme, mais en plus il y a la menace que la situation dégénère complètement. Le couple d’acteurs y est aussi pour beaucoup concernant la crédibilité du récit.

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La table va encore un cran plus loin dans l’exploration des fantasmes. Une jeune femme a moitié nue sert d’esclave à un homme. Il l’exploite de manière dégradante de toutes les façons possibles. Ce film est sans doute le plus ambitieux de toute la compilation et aussi le plus réussi formellement. Sans aucune auto-censure, Izabel Grondin montre la jeune femme se faire traiter comme une moins que rien, provoquant un mélange détonnant d’érotisme et de terreur. Car en fait, la femme semble consentante sans que l’on soit très sûr de la nature bizarre de leur relation. Et quand un ami de l’homme vient lui rendre visite et constate la situation, il va essayer de l’aider. Dans un premier temps. Dans un deuxième, il va participer au spectacle malsain.

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On remarquera que tous les films parlent peu ou prou d’une seule chose : la relation entre un dominant et un dominé. Evidemment, tout cela relève du fantasme, d’une volonté de se faire peur, qui semble fasciner la réalisatrice. Et l’on observera également un glissement du pur organique/gore vers quelque chose du plus cérébral, un peu comme le chemin entamé par David Cronenberg, explorant d’abord la chair avant de s’intéresser à la psychologie. Car c’est peut-être un domaine encore plus effrayant quand il est abordé dans le cadre d’un “film d’horreur”.

Site officiel : http://www.izabelgrondin.com/

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