Isabelle et Gérard, couple séparé, sont obligés de se réunir dans la Death Valley, en Californie. Ils ont chacun reçu une lettre de Michael, leur fils, qui s’est suicidé. Michael a donné à ses parents un certain nombre de lieux et de dates où ils doivent se rendre. S’ils suivent scrupuleusement le planning, ils pourront peut-être le « revoir ».
Guillaume Nicloux est décidément un réalisateur à suivre. Avec Cette femme-là, il transformait Josiane Balasko en femme flic dépressive dans un polar extrêmement noir. Par contre, je n’ai pas du tout accroché à L’enlèvement de Michel Houellebecq, expérimentation étrange sur l’être-écrivain. Le cinéma de Nicloux est intéressant car il reprend les codes du cinéma d’auteuuuur fraaaançais, exception culturelle toussa, mais il mélange cela avec des éléments provenant de films de genre, pas forcément d’origine 100% française. Ici il utilise le fantastique, par petites touches discrètes mais néanmoins puissantes.
La première chose à « désamorcer » est évidemment le couple Isabelle Huppert / Gérard Depardieu. Les deux « monstres » du cinéma français n’ont plus rien à prouver. Ils ont déjà tout fait et il fallait donc leur trouver quelque chose de neuf. D’où l’idée de leur faire jouer leur propre rôle. Les prénoms de leurs personnages sont Isabelle et Gérard et un touriste américain reconnaît Depardieu en tant qu’acteur, donnant lieu à quelques scènes à la fois drôles et méchantes. Tout est fait pour qu’on ait l’impression qu’Isabelle et Gérard aient l’air naturel. Et ça fonctionne ! Peu à peu, nous entrons dans l’histoire de leur couple. L’émotion naît et se développe, fruit d’un travail subtil de direction d’acteur, de mise en scène et de dialogues. On a du mal à dire s’il y a de l’improvisation ou si tout est écrit, ce qui est bon signe. De par son physique, Depardieu s’impose évidemment dans le cadre. Constamment en sueur, le souffle court, il complète la silhouette sylphide d’Isabelle Huppert. Et tout le film repose sur cette complémentarité. La mère veut croire qu’elle va rencontrer son fils. Le père a déjà tourné la page. Il n’a pas envie de ne pas s’imposer des choses. Elle veut suivre à la lettre les indications figurant dans la lettre. Il ne regrette rien. Elle se pose mille questions. Néanmoins, au fil du temps et des événements, leur vision va évoluer.
L’atmosphère du film est assez spéciale et c’est sans doute en grande partie ce qui fait son intérêt. Les deux Français agissent comme des touristes. Leur séjour est ponctué par les différents sites de visite de la vallée de la mort (Badwater, Mosaic Canyon, etc). Mais ils sont là dans un but précis qui touche à leur vie intime. Par conséquent, les paysages grandioses, écrasés par une chaleur extrême, passent au second plan, aussi magnifiques soient-ils. Ironiquement, les deux personnages sont au grand air, en plein désert, mais ils sont enfermés dans leur sphère d’intimité. Ils sont obligés à ressasser, à revivre, à regretter leur relation passée.
L’argument fantastique n’est pas traité à la légère ni de façon symbolique. Même si l’on ne sait pas comment, Michael promet à ses parents qu’ils vont se revoir, que ce n’est pas une mauvaise blague. Gérard n’y croit pas une seconde. Isabelle est persuadée du contraire. Dès lors, les deux sont à la recherche de signes. Pour elle, des signes de présence, pour lui des signes que tout cela n’est pas réel. Et des signes, ils en auront, autant de faits bizarres difficilement interprétables.
Valley of Love est un beau film, émouvant dans le bon sens du terme. Il relève sans problème son pari : parler de l’amour à travers la mort, trouver la vallée de l’amour au bout de la vallée de la mort.